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PGT (Périgord Grand Trail) 2024

PGT (Périgord Grand Trail) 2024

4 mai 2024 Lalinde

Retour à Lalinde ce vendredi 3 mai 2024. Après une semaine compliquée, il est temps de penser à autre chose. Nous partons en convoi avec Angéline qui s’aligne sur le 16km, Tintin et Tintin (Luc et Christophe) qui courent le 44 km. Voilà 2 ans que j’avais couru le 88 km. Cette année c’est sans préparation spécifique. Cependant le corps est tout de même prêt (pas blessé, quelques séances longues, un peu de dénivelé et un entretien hebdomadaire). Le gros point noir cette fois c’est la tête. J’angoisse à l’idée d’avoir épuisé tous mes ressorts psychologiques lors de cette année. D’ailleurs le point est fait. Les ressorts sont présents, mais ils sautent moins haut. Bof on verra bien. Déjà, bien vivre la veille de course. Avec les 2 compères et ma chérie, ça va bien se passer. Et effectivement l’hydratation est au top.

Départ canon sous la pluie !

La Dordogne est bien haute auprès du camping. Rien d’exceptionnel car les habitants ont eu, eux aussi, leur lot de précipitations. Et ce matin au départ, tout le monde sait, que l’on va en prend toute la journée sur la tête.  Présent sur la ligne, nous attendons le top départ… qui ne vient pas. Et top ! Sans musique, sans micro. 8 min de retard mais après 100 m, le traditionnel feu d’artifice ! Départ rapide. Le parcours, inchangé au début, propose 2 km de plat avant un monotrace de l’enfer en côte raide, dévers, marches, racines et « ravin ». Ca bouchonne souvent 30 à 40′. Autant de temps qui fera peut-être la différence plus tard pour moi. Au 400 M je suis 12e au 2 km je suis dans le top 25. Un départ à 4 min 44 au kilomètre ça vous lance bien. Je craignais de créer le bouchon, mais de nuit plus de l’eau plus la difficulté … finalement tout le monde est pareil. D’ailleurs mon prédécesseur s’en prend une monumentale juste devant moi.

Ça glisse dehors, ça glisse dans la tête

Je ne suis clairement pas à l’aise. Les kilomètres 3 à 5 sont faits en 8 min 25,12 min 10 et 9 min 31. Finalement je reprends une allure décente, mais sur les portions plus raisonnables je me fais doubler. Normal la tête n’y est pas je me sens en difficulté en côte, en descente, sur le plat. Les pulsations sont ressenties très hautes. J’ai la nausée. Pas foufou ces sensations. D’ailleurs l’envie de bâcher est vraiment là. Du 10e au 21e environ je suis prêt à m’arrêter. Le ravitaillement du château de Lanquais se passe plus vite que l’an passé mais toujours pas en forme. Le terrain y est peut-être pour quelque chose.  On ne peut pas faire 2 pas sans glisser, y compris sur le plat. Et c’est là que les ennuis s’emmanchent. 17e kilomètre un gars chute et me casse mon bâton gauche. « Ça va ? lui demandai-je.

-Ouais… C’est moi qui ai cassé ton bâton ?

-Oui. Mais ça va ?

– Oui oui. »

Tac. Fin de conversation.  Hé une bonne journée là-dessus. J’envoie la facture à qui ? Alors pas de bâton c’est couillon ! J’avais commis l’erreur il y a 2 ans et en avait ressenti le manque. Mais un bâton ? J’en fais quoi ? Au moins si ça avait été un baton de berger je l’aurais pris au ravito… Même pas.

Prendre du plaisir en solo, hem hem…

Je passe le 2nd ravitaillement et je ne mange toujours rien. Trop nauséeux ! Finalement dans une belle descente longue et roulante en forêt j’avise un carrefour et un beau chêne un peu plus loin. Pause technique. Ça libère. Bon malgré tout ce que je raconte, je prends quand même plaisir sur le reste. Les paysages sont humides et gris mais c’est un plaisir de crapahuter là-dedans.  Nous sommes souvent en forêt ce qui nous évite, cela dit, les averses de pluie. Nous traversons de jolis villages. J’aime bien le premier d’ailleurs. Nous descendons une petite ruelle qui serpente. C’est très agréable. Les bastides se succèdent dans la campagne. Le château de Luzier est splendide. Franchement la région est belle et mérite plus de soleil à l’image du village de Beaumont-du-Perigord qui est également splendide. A partir du 21e ça va mieux et au 27-28e après la pause technique, carrément mieux. Je suis rentré dans ma course et mes allures. Le rythme rando-course est pris. Je n’ai pas mal aux jambes. Tout va bien. A part le fait que je ne me nourris pas. Bon j’ai des réserves quand même… mais, je ne suis pas spécialement en avance sur les barrières horaires.  Et je ne sais pas si les 8 min de battement du départ sont reportées. Ça donne lieu à une petite accélération au 34-35e avant la première barrière horaire du ravito de Saint Avit seigneur. Rassuré au ravito j’essaie de manger une soupe aux vermicelles. Le bouillon ça va ! Les vermicelles, eux, restent collés au fond du gobelet. Poubelle ! Un morceau de saucisson ? Je ne parviens pas à le mâcher jusqu’au bout et le recrache. Un Tuc ! Non envisageable. Bon, une demi-chips et un carré de chocolat. Je refais les pleins d’eau et zou. « Vous avez 4 h pour 20 km ! C’est large ! »

Être dans sa course, sans manger

Large euh… Ça dépend. Je décide de reprendre un bon rythme. Un rythme légèrement haussé, en tout cas par rapport à mes concurrents directs. On ne sait pas trop ce qui nous attend. Enfin si… je sais que ce n’est pas du semi-marathon alors quand c’est plat je relance du mieux que je peux. Toujours dans des conditions ultra glissantes, n’oublions pas. Je reprends des coureurs. Des grappes de 2 ou 3 qui cheminent ensemble, ou pas. Je n’hésite pas à sortir du sentier et marcher dans la mousse ou les branches sur le côté. Ainsi je gagne (en marchant) 1 ou 2 km/h sur ceux-ci qui glissent inlassablement. Je ne peux pas me permettre de perdre autant d’énergie qu’eux, ni de temps. C’est une course bon sang ! Inlassablement je relance quand je ne le peux. Et maintenant je me sens bien dans ma course. Pourtant ça commence sérieusement à ressembler à Paris-Roubaix cette affaire. J’ai beau ne pas être dans le peloton de tête (ils sont arrivés non ?), je vois bien que ça élimine par l’arrière. A chaque ravitaillement je vois des gars à l’arrêt. Beaucoup ont le moral en berne. Ça commence à bâcher. D’ailleurs sur 195 au départ, seuls 169 rallieront l’arrivée. Sur un trail aussi roulant c’est un signe.  

Je vous ai dit que ça glissait ?

Effectivement quelques difficultés se présentent. Une descente particulièrement périlleuse dans laquelle je lâche 3 poursuivants, suivie d’une autre, longue et assassine. Quand je dis assassine, je veux dire meurtrière. Elle a d’ailleurs dû passer en mode serial-killer avec ceux qui sont passés avant. Un vrai gag de looney-toons. Je glisse à gauche, me rattrape en glissant à droite, perd l’équilibre vers l’avant, me rattrape en surfant… Un enchaînement intense sur plusieurs minutes. J’arrive en bas, cuit rincé en m’interrogeant sur : « Comment ne suis-je pas tombé ? » Je suis alors aux alentours du 66e kilomètre. Cette descente mémorable nous emmène dans une nouvelle forêt. Un joli ravin à franchir. La descente, glissante entre les branches est une partie d’équilibriste. Mais une fois en bas… il faut remonter 10 m de dénivelé positif avec un pourcentage serré et un talus de boue marqué par les traces des glissades verticales des 400 coureurs du 44 km. Pas une touffe d’herbe pour s’accrocher sur une distance de 20 à 30 M de large. Des côtés denses et touffus qui rendent impossible la montée dans le travers. A part refaire le coup de l’Ascension en s’appelant Jésus, je ne vois pas comment passer. Mes 3 poursuivants me raccrochent. Je propose mon aide, accroché à un arbre au tiers de la pente. Mais cela fait plusieurs kilomètres que je les entends râler et se plaindre. Ma seule envie c’est de les lâcher. De toute façon, ils ne veulent pas de mon aide… Bon ben… go ! Je sors les grosses cuisses de leur réserve. 67e kilomètre, passage en mode tracteur. Et pour information le kilomètre 67 est passé en 18 min 19. Environ 10 min pour franchir ces 10 pauvres mètres. En mode tracteur tout se franchis à présent. On va lâcher du jus mais chaque difficulté se passera en force. Je deviens inarrêtable. L’approche du ravitaillement de Calès se fait à l’issue d’une grande bosse herbeuse boueuse, quasiment un torrent sous la pluie qui redouble. Arrivée en haut je retrouve des bénévoles souriants malgré la pluie. Je ne traîne pas trop. Cela fait 20 km que je m’alimente à nouveau (au 45e kilomètre en me forçant un peu). J’ai mangé mes patates douces). Et ça va toujours !

Le tracteur va chercher sa princesse

Je me suis plus serein sur mes forces pour la suite. Quoique le repas soit tardif et indique une baisse d’énergie à compenser dans le futur, les barrières horaires s’éloignent, rassurant ma tête au passage. Je suis passé à la première barrière du 37e kilomètre en 5h10 avec à peu près 20 min d’avance, je reprends de la marge. Et maintenant, je dois rallier Trémolat avant le départ d’Angeline à 17h00. Donc gaz gaz gaz. Et malgré l’envie, les impressions plutôt bonnes, il faut constater que la vitesse n’est pas là… Et puis il reste quelques difficultés qui, s’il n’était la boue, ne serait que des broutilles. Mais chaque talus est une embûche et une pente est une perte de temps. L’approche du pont pour traverser la Dordogne est bien longue malgré tout. Devant 2 bénévoles ébahis je saute le dernier talus, à descendre en luge selon leurs dires. Et je relance sur le bitume direction le pont. Il est bien bien long celui-là. La Dordogne, remplie à déborder, fait des tourbillons. Inutile de prendre le kayak. Il faut descendre au bas du pont par un escalier bien raide. Le marigot qui m’attend est le symbole de cette Dordogne qui déborde. Je longe le camping, les pieds dans l’eau. Au bout un petit Pikachu jaune m’attend. Angéline ! « Hé tu as gazé ! » quelques paroles, conseils, un ravitaillement et je repars, espérant éviter le flot des élites du 17 km et accompagner un peu plus tard Angéline sur quelques centaines de mètres.

Ça passe ou ça Causse ! Le buffle en action.

Je sais ce qui nous attend. Deux belles patates version Causses des Templiers. Bâton inutile. Il faudra y mettre les mains. J’essaie de mettre le plus de distance avec la tête de course du 17km mais mon petit 8-9 km heure n’est pas le 16-17 des premiers. Le monotrace est encore plus serré que dans mes souvenirs. Un bénévole m’indique le pied de l’ascension pour le belvédère. Les coureurs du 17 n’y passeront pas. Je suis soulagé et déçu à la fois. Je n’accompagnerai pas ma chérie à part en pensée. Bon là il s’agit d’un morceau de bravoure. 22 min au kilomètre sur le 75e. J’entends deux concurrents au-dessus mais je ne les distingue pas. J’attrape la corde, corps à 90° par rapport à la pente et je force comme la grosse brute que je suis. Autant dire que ça force ! Les grognements d’efforts sont beuglés tels des mugissements de buffle. Je me courbe, me cambre. Les muscles sont tendus comme des cordes de violon (et pourtant pas un bel air pour en sortir). Il n’y a aucune finesse, aucune technique de course ou d’escalade dans cette escalade dans la boue, que de la force brute. J’arrive en haut en ayant rattrapé les 2 précédents.

« Chute à l’arrière »

Et puis il faut redescendre ! Même combat qui me vaut ma première chute, en doublant 2 autres bonshommes, à cause d’une crampe mollet. Je remettrai la même quelques centaines de mètres plus loin, lorsque nous rattraperons les derniers du 17 dans la bosse suivante. Et je double effectivement les derniers du 17 km. Les derniers reliefs de ce parcours me sont favorables. Ma jauge énergétique est moins disponible que la leur mais je suis techniquement meilleur. Mais quelle prétention ! Non, mais si je ne le dis pas, qui le dira ? Sérieusement, c’est un constat, sur les dernières ascensions et descentes je double des paquets de coureurs. En revanche entre les reliefs, il n’est pas rare d’en voir 2-3 me repasser. Ils ont tous un mot sympathique et sont impressionnés par nos qualités (oui car je double aussi d’autres concurrents du 88, qui, eux-mêmes doublent ceux du 17, suivez un peu), impressionnés par nos relances et notre endurance. C’est aussi le sentiment qui m’habite quand c’est moi qui suis sur la courte distance et qui vois des concurrents de la grande. En décembre, durant le 2e relais de la HOT, Herbiers Original Trail je me suis aussi fait déposer par un concurrent du 120, enfin un par plusieurs. Heureusement que Damien m’avait laissé avec une belle marge horaire à l’époque.

Un finish à 200%

Je retrouve la bosse bitumée d’il y a 2 ans. Celle qui m’avait fait comprendre que les bâtons ça peut être utile pour avancer plus vite. Bon là je n’en ai qu’un… J’ai beau discuté à bâtons rompus avec les concurrents du 17 ça ne remplace pas le manquant. Du coup le dernier me fait office de bâton de vieillesse. Comme quoi, perdre un support c’est se mettre un bâton dans les roues. (Je ne fais pas toutes les expressions avec le mot bâton, je vous les laisse) Il reste encore quelques glissades, des demi-fossés traversés pour atteindre le dernier ravitaillement que j’ignore (à 7 km de l’arrivée), au grand dam des bénévoles tous costumés en prisonniers. Je relance et continue de courir. Ça sent la fin ! Les 2 derniers kilomètres sont sur le plat ou en descente et je cours un bon rythme (10 km heure). Je croise Angéline qui va chercher mes affaires à la voiture. Je tourne à gauche pour enquiller les 400 derniers mètres. Les acclamations de Christophe et Luc retentissent. Deux regards derrière moi pour m’assurer que personne ne me refera le coup de Venansault (mangé sur la ligne, plus jamais) et voilà ! Fin de chantier. Une vague d’émotions m’a traversée lorsque j’ai vu Angéline mais elle a vite été réprimée.

Bilan

Saveur du devoir accompli. Saveur de ne mettre que 2 min de plus qu’il y a 2 ans. 14h25 contre 14h23 mais avec un parcours rendu autrement plus difficile par les conditions météo. Cette course a un gout d’entrainement réussi, de tremplin accompli pour le grand objectif de l’année : retourner sur la voie des 100 miles. Et ça passe par 130km au Puy en Velay le 14 juin. Tout n’est pas rose bien sûr. Il faut revoir l’alimentation. Graissez les ressorts psychologiques. Supprimer les sentiments des kilomètres 0 à 20. Progressez dans l’assurance de pose du pied et d’équilibre de nuit. De beaux chantiers en perspective à 5 semaines du but. Pour la nutrition rien à faire ! Une côte de vache au barbecue m’attend avec un fût de bière, Angéline et mes deux Tintins. Une belle soirée de débrief en perspective.