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Périgord grand trail 88km

Périgord grand trail 88km

Par où commencer ? J’ai perdu l’habitude d’écrire un CR. Peut-être par ici tiens ! Si cette habitude a disparu c’est peut-être que la dernière course longue qui m’a permis d’écrire un CR remonte à 2019 à présent. Il doit y avoir des raisons. La plus connue ne revenons pas dessus. Il a surtout fallu adapter une nouvelle vie à 4. Ça c’est cool. Cool mais prenant.

Bref le statut « désentrainement » marqué par la montre n’a jamais autant porté son nom. Objectif pour cette année : reprendre. Trois courses au programme : Ultra du Périgord, Tour des lacs sur le GRP et Trail des Templiers.

Traditionnellement depuis un moment, seules les vacances me permettent de faire une prépa suivie. Trop peu de temps à accorder à la course à pied en dehors. Donc Noël, février, c’est l’occasion de recourir un peu mieux. Prévision de faire des sorties longues en avril avec en prépa le 42km du Champ du Loup à Chantonnay. Hélas, hélas, hélas, trois fois hélas. Un adducteur qui claque en voyage scolaire lors d’un énième match de foot contre les élèves… C’est dangereux le foot.

Quand je devais aligner des séances longues, j’ai aligné les séances chez Guillaume. Dommage. Une semaine avant mon score le plus élevé en fentes sautées et squat sautés s’élève à 180 en cumulé. Une prépa inégale, quasi inexistante. Un classique j’ai envie de dire.

Finalement cela correspond un peu à ce que je suis allé chercher. De la difficulté ! Quel autre mot pour se dire : « Tu vas faire un 88km, sans prépa (17km plus longue course à pied maximum dans le dernier mois), en partant un samedi matin à 5h après avoir fait les 4h30 de route à la débauche le vendredi soir et avoir dormi 4h sur un matelas gonflable dans le coffre de ta voiture. » J’aurais pu compter sur un soutien éventuel, je ne dis pas. Mais en plus j’étais seul.  Quand tous les copains du RAPV vont courir le Festi Trail en Vendée, je m’en vais seul dans le Périgord. Logique.

Bon je vous ai planté le décor, avançons un peu. Je retrouve quelque peu mes automatismes et ma routine de course avec la traditionnelle purée de patates douces, escalope de veille de course et de petit déjeuner. La question c’est surtout comment s’habiller ? Il fait frais finalement ce matin. J’adopte le cuissard, chaussettes longues, manchons, seconde peau, maillot, buff autour du cou. La frontale vissée sur la casquette, je m’approche de la ligne de départ.

Le speaker du GRP est là. Il m’interpelle. « Et oui les gars du Poiré sur Vie sont là. Tu as fait le GRP ? Tes collègues avaient bu une bière sur le podium au 60ème sur 220. » Le RAPV connu dans toute la France ! Petite question d’un gars sur la première ligne : « Tu vises quel temps ? » Moi je compte seulement arriver avant la fin lui répondis-je. Regard interrogateur. Dans sa tête il devait surement se dire : « Mais qu’est-ce qu’il fout là le bedonnant ? » Il fout là qu’il a décidé de faire le départ. A l’ancienne. Après avoir désespérément cherché des infos sur la course, j’ai enfin trouvé une vidéo et un récit du 42. Il semble qu’il y ait des bouchons à 2km du départ. Vérification sur Géoportail faite, il y a un monotrace qui démarre après deux bornes de plat. Ce ne sont pas 2km à 12km/h qui vont me flinguer. En revanche, perdre 10’ au départ du monotrace puis allonger le timing avec un monotrace qui s’annonce compliqué c’est facilement 30’ ou 40’ de perdues. Vu mon niveau de prépa et ma crainte de ne pas atteindre la 1ère barrière horaire à temps (36km, 6h d’effort), je peux bien fournir un petit effort.

Départ jusqu’au 14ème km.

De l’importance de « faire le départ ».

Et pan ! Départ 5h01. Des feux d’artifice sont tirés pour notre départ. Je vois passer les 1ers mais je reste à moins de 100m d’eux. 12,5km/h, vitesse max. Effectivement à 2km des escaliers mènent aux premières rampes. Un secteur fort sympathique. Monotrace cassant, griffant, tournant. Les pierres et les souches effacées par les herbes rendent la progression difficile. Un passage à la corde, des creux qui ressemblent à des ravins, des montées descentes sèches et raides. Je suis persuadé que de jour il doit être magnifique. De nuit c’était une bonne entame. Pas faite pour me mettre en confiance en revanche. Si les 88km sont de cet acabit… La suite se révèle assez roulante passés les km 2 à 6 je peux relancer et trottiner. Les allures repassent autour des 6’ au kilo (10km/h). Le passage jusqu’au 1er ravito n’est marqué que par une erreur d’attention. Avec quelques coureurs nous quittons légèrement le sentier et revenons dessus sans savoir s’il faut aller à droite ou à gauche. Les frontales en face nous mettent sur la voie après une centaine de mètres. Cependant le doute nous assaille durant quelques km. Ce n’est jamais très agréable.

Pas trop en forme !

Le château du Lanquais nous accueille pour le 1er ravitaillement au 14ème km. La 1ère féminine m’a doublé depuis 2-3km déjà. Je prends du temps sur ce 1er ravito. Je cherche le salé. Bon ce sera de la banane. Je strappe un début d’ampoule sur le 2ème orteil du pied gauche (c’est l’orteil Deux, entre le A et le MI pour Mathilde -pour tous les parents je conseille le livre les orteils n’ont pas de nom). Tout de même, une ampoule avant le 14ème ce n’est pas de bon augure. Bref. Durant ce laps de temps d’une bonne dizaine de minutes, les coureurs passent vite et me dépassent. Ca fait du troupeau.

La suite vers le château de Bannes, lieu du second ravitaillement, ne présente pas de difficultés particulières mais mon allure commence à fléchir. D’une moyenne légèrement inférieure à 10km/h je passe plutôt vers du 8,5km/h. C’est malgré tout conforme à mes estimations et rassurant pour passer la barrière horaire de Saint Avit au 36ème.

Château du Lanquais, 14èmekm au château de Bannes, 21ème

La douleur n’est qu’une information. Oublie-la !

Michaël Bouyer

Au 23ème je passe le château de Bannes, qui n’a visiblement aucun rapport avec le roi Ban, père de Lancelot dans la légende arthurienne. J’ai tout de même regardé si je ne voyais pas Alexandre Astier… C’est malheureusement à partir de là que la difficulté s’est fait sentir. Les relances étaient de plus en plus difficiles. Mais comme aime le rappeler Michaël Bouyer : « la douleur n’est qu’une indication ». Donc je relance, je relance. L’allure baisse. Les côtes dans lesquelles je marche sont bien plus souvent des faux plats. De 8,5km/h je suis bien plus souvent à 7, 6 ou même 5km/h. La machine se grippe doucement mais surement. Pourtant, pas de difficultés sur le parcours. C’est roulant, des côtes « vendéennes ». Paysage forestier et relativement agréable, je ne prends pas non plus le soleil de plus en plus fort. Je passe surtout dans le village de Beaumont-du-Périgord que je trouve réellement très joli. Petit reportage photo et c’est reparti.

21ème, château de Bannes jusqu’à Saint Avit Sénieur, 36ème.

Première étape terminée. Bilan : dans la souffrance !

Enfin le ravitaillement et la barrière horaire de Saint Avit Sénieur. Nous pénétrons dans l’église abbatiale. Le ravitaillement y est assuré par une équipe de doux dingues avec la musique, les déguisements, et de la soupe. Ahhhh ! Elle passe bien celle-là ! Tout comme le petit arrêt technique dans un local fermé. Je vois une nouvelle fois un bénévole qui doit avoir le rôle de Michaël Bouyer lors des Vendée Raid, c’est-à-dire celui qui vient fermer les ravitos après le passage des derniers. Je ne suis donc plus parmi les premiers… Quelques petites vannes, un ravito qui s’éternise pur moi. 24’42 sur le 37ème kilo. Faites le calcul. En tout cas mon angoisse est libérée. La barrière horaire est derrière moi à présent avec 55’ d’avance.

A présent la prochaine barrière horaire est située au 60ème, à Molières, où se trouve une « base de vie ». On y trouvera donc nos sacs de délestage. Pour le moment il faut rallier Ponthours, 51ème km. Le plein de flotte est fait. Il commence à faire bien chaud (il est environ 10h30 et le soleil tabasse). Ces 15km vont être un petit calvaire pour moi. La machine est grippée. J’étais en perte de vitesse depuis le château de Bannes, mais là ! Je connais ce moment. Je savais qu’il allait venir. L’idée c’est d’imaginer qu’il va partir. L’ultra ces la gestion des défaillances. En voilà une belle. La marche débute. J’essaie de la rendre la plus active possible. Mais l’allure passe sous les 5km/h. Il n’y a que 6km sur les 15 qui seront fait à plus de 5km/h. Autant dire que c’est long. Je m’ennuie. Elle est là ma difficulté. C’est vraiment pénible. Douleur physique et psychique. Et c’est d’autant plus dur que je me fais doubler par le peu de concurrents qui restent en lice. Je me fais doubler par mon « frigo ». Le frigo c’est l’image que nous utilisons avec mes frères pour parler de ces types qui, lors d’un marathon, sont déguisés, et te double avec facilité alors que tu peine à avancer. Ici le frigo c’est une gentille dame, qui parait être proche de la soixantaine. Bâtons de marche, leggings, chaussures de rando et chaussettes en laine. Allure toujours régulière en marche rapide. Elle me dépose facilement, comme si j’étais à l’arrêt.  Et ben voilà Pierre ! Tu voulais bosser le mental ! C’est parti !

Saint Avit Sénieur, 36ème, jusqu’à Ponthours, 51ème.

Résiste ! Prouve que tu existes !

France Gall

Le nom commun que l’on pourrait utiliser pour ces km ces sûrement la résistance. Il faut d’ailleurs que je remercie Benoit. De manière franche et ironique. Quand je suis dans le mal j’ai tendance à chercher de l’aide et les pensées positives sont un soutien efficace, tout comme les amis. Benoit, toujours prévenant, prend de mes nouvelles à 8h50. Dès 9h je lui dis que je suis « En souffrance. Faut pas y penser. » Il me répond que l’abandon n’est pas une solution. C’est gentil à lui mais je ne pensais pas abandonner de toute façon. Sauf que… Ce mot : « abandon », va résonner tel un interminable écho durant 20 bons km. Pensée ultranégative qui persistait. J’étais bien sur résolu à aller au bout. Il n’en a jamais été question d’une manière ou d’une autre. Pourtant le mot tournait et retournait mon cerveau sans que je parvienne à le chasser de mon esprit. Un mot fracassant qui était là, comme un virus endormi. Inutile, inoffensif mais toujours là.

L’approche du ravitaillement de Ponthours se fait dans le bruit. Un bruit lointain mais fort. Un micro déchire l’air de ses paroles joyeuses. Je me dis qu’ils ont encore mis l’ambiance au ravitaillement. Mais peu à peu, réfléchissant à la physionomie du parcours, je ne peux que constater que Ponthours est situé à quelques centaines de mètres à vol d’oiseau de Lalinde, de l’autre côté de la Dordogne (que nous n’avons pas vu depuis le 2ème km). C’est le speaker de l’arrivée que j’entends. Ca aurait pu me flinguer mais non. Ce n’est qu’un constat.

Ponthours, 51ème, Molières, 60ème

Déclic

Ravitaillement exprès cette fois. Un plein d’eau, un ou deux coca et c’est reparti. Cette fois-ci je crois que le mal est derrière. Mais ? Mais oui ! Ca y est ! Je me suis refait la cerise. Expression consacrée qui signifie que l’épisode de résilience est derrière moi. J’en profite pour reprendre mon « frigo » et le laisser derrière moi. C’est pas cool pour cette dame cette expression. Elle est vraiment forte et endurante. Une belle preuve de force. Mais c’est la pensée qui m’habite à ce moment. J’en profite pour appeler mon frère Frédéric. Ce moment est un morceau d’une conversation d’il y a quelques semaines. Il ne comprenait pas cette expression et l’effet que cela peut avoir. Mais c’est ce qui m’arrive. Une allure qui repasse de 5 à 7km/h en moyenne. C’est à la fois peu (et un peu ridicule) et beaucoup. Je commence à jouer à Pacman. Je mange mes petits fantômes, mes petits coureurs., un à un. ET ça c’est bon pour le moral. J’entre dans un cercle vertueux. Je cause à Fred au téléphone, lui narrant la situation en mangeant les coureurs.

Reset !

Les 10km passent bien et j’arrive à la Base de vie de Molières. KM60, 9h09 de course. Barrière horaire en 11h. Tout va bien. Je bois et récupère mon sac. Je fais un petit « reset » du bonhomme. Nouveau caleçon, nouveau cuissard, nouveau maillot, nouvelles chaussettes. Le tout agrémenté d’un lavage rapide au-dessus d’un lavabo : aisselles, visages, parties intimes. Oui car j’ai la raie en feu. C’est peu glamour mais c’est une réalité. Je ne sais pourquoi. C’est la première fois que ça m’arrive et j’espère la dernière.

Molière, 60ème, Trémolat, 72ème.

Jouons à Pacman !

Petit échange sympa avec Guillaume (Barreau, merci Facebook) qui, après avoir partagé quelques km avec moi précédemment, s’inquiète de ne pas me voir repartir. Je le rassure et lui dis à plus tard. En effet, lors du passage entre le 36ème et le 50ème, j’ai pu échanger un peu avec Guillaume. C’est rare car j’aime plutôt courir seul, ne trouvant que rarement une personne avec le même rythme que moi. Guillaume est pompier à Toulouse. Il a fait le tour des lacs du GRP en 2017. Cela nous fait un point commun sur lequel nous échangeons. Je m’interroge sur sa forme car il l’avait alors bouclé en 33h et moi en 40h. Visiblement nous avons tout deux une prépa qui n’est pas optimale. Je suis très content de discuter avec lui et c’est avec plaisir que je le retrouve sur la partie entre Calès (km67) et Trémolat (km72). Nous partageons à nouveau 3-4km puis de nouveau quelques ’uns après Trémolat.

La partie après Molières et la base de vie est vraiment cool. J’ai bien pris le temps sur place (20’). Mes petits fantômes sont repassés devant et il faut à nouveau les grignoter un par un. Pas de problème. Même si je repasse un peu en mode gestion de course avec davantage de marche, je prends une bonne allure et le moral est là. Et je continue de doubler. Alors attention ! Ce ne sont pas des paquets de 20 que je double. Mais le fait de voir un concurrent au loin, le rattraper doucement, le dépasser avec un petit : « Bon courage », tout ça c’est agréable. Le ravito de Calès est rapide (plein d’eau et un coca, deux rondelles de saucisson), tout comme celui de Trémolat (dernière barrière horaire) que je franchis en 11h22 (soit 2h30 avant la BH).

Trémolat, 72ème, Mauzac, 80ème

Une fin un peu technique, enfin !

Je repars une nouvelle fois gonflé à bloc. Depuis 3km nous longeons la Dordogne. Enfin ! Il reste une partie un peu costaude. Il faut suivre le méandre de la Dordogne qui boucle par le nord et donc monter sur le plateau. Une belle ascension, raide comme il faut pour seulement une soixantaine de mètres de dénivelé. Dans sa difficulté, elle me fait un peu penser aux dernières ascensions des Templiers. On y met les mains certaines fois. Il y en a quelques-unes comme ça. L’allure baisse un peu mais demeure toujours plus rapide que mes concurrents. Tout va bien jusqu’au 80ème.

Mauzac, 80ème, Lalinde, 88ème

. Comme une deux-chevaux qui prend l’aspiration

Dernier ravito, non signalé par l’organisation sur le roadbook, à Mauzac. Du liquide uniquement. Lancé comme je suis-je le gobe et me relance dans la bosse suivante avec deux points de mire. Je marche bon rythme mais impossible de les reprendre. Ils ont les bâtons et tiennent une p*t*** d’allure. Pire je m’éloigne. Mais brdl ! Arrivé en haut la machine se grippe à nouveau. Comme une deux-chevaux qui prend l’aspiration d’un camion sur une autoroute, se décale pour doubler et … et … se rabat puis perd du terrain.

Extinction des lumières. Les jambes avancent seules !

Cette fois-ci c’est reparti pour le coup de mou. Et là, difficile d’imaginer que ça va revenir. Les réserves sont épuisées. Le bonhomme est au bout. Je ne reverrai que 3 bonhommes qui me doubleront dans ces 8 derniers km. La lumière est éteinte et le moral ne tient qu’à un fil. Le fil rouge qui me relie à l’arrivée. Je pourrais bien m’arrêter, me reposer et attendre que ça revienne, mais je suis trop proche de l’arrivée. L’allure ne descend pas en dessous des 10’ au kilo (5km/h). Les pensées vagabondent vers les proches. Les larmes sont proches de sortir. Je sors mon joker, le coup de fil à la famille. Petit appel à ma Maman. Ma gentille Maman qui s’inquiétait et prenait des nouvelles auprès d’Angéline et de Fred. Quelques minutes de conversations qui permettent de passer un peu plus de km. Il y a toujours une petite incertitude sur le nombre de km. 86 ? 88 ? Boaf. Allez Pierre va la chercher cette médaille. Je pioche. Je me force à essayer de trottiner. Mais non. C’est dur de dur.  Encore un effort. Encore un autre. Un pas de plus puis un autre et encore un autre. La légère descente de l’arrivée me permet de reprendre la course. Un dernier km en 7’19. 

Je franchis la ligne et la médaille se met tout de suite autour de mon cou. Je m’assois sur un banc et m’effondre en larmes. Je suis allé piocher loin cette fois. Je me dirige vers le ravito final. M’emparant d’un verre, une gentille bénévole me demande : « De quoi avez-vous besoin ? » « De rien… » et je pleure à nouveau. Trop de gentillesse d’un coup.

Bon. C’était bien quand même ! Le paysage était beau et les bénévoles ultra sympathiques. J’étais venu chercher de la difficulté et je l’ai trouvé. A présent prochaine étape : le GRP, come back !