Raid Aventure Pays de Vie

Association loi 1901

E-MAIL:           contact@rapv.fr

Image | Alt

Mon premier ULTRA

Mon premier ULTRA


Début janvier 2022, voilà les inscriptions ouvertes pour le GRP … J’y retourne c’est sûr ! J’avais pu faire le Néouvielle l’année dernière et j’avais kiffé cette aventure de 40 km avec 2500 de D+.
Lequel cette année ? Hésitante entre le 60 et le 80 km, c’est finalement le Tour des Lacs (80 km 5000 D+) que je choisis, un choix que je ne fais pas les yeux fermés puisque j’ai pu voir entre temps que des copains du RAPV se sont inscrits sur cette distance et ce sera mon premier ultra en montagne donc je ne pense pas vivre cette aventure seule ! Un coup de folie ? je n’en sais rien mais en tout cas une motivation et une curiosité débordantes pour la découverte de l’ultra !!
Les échos que j’ai de cette course ne font que me conforter dans mon choix… tu verras le Tour des Lacs c’est magnifique, tu vas en prendre plein
la vue….. bon certainement plein les jambes aussi…

LA PREPA

Maintenant que je suis inscrite sur cette course qui aura lieu fin août, je sais ce qu’il me reste à faire cette année : arriver bien préparée, c’est essentiel.
J’ai la motivation, l’envie, le mental, je vais donner le maximum pour être au top physiquement.
Grâce à coach Guillaume, j’ai tous les éléments pour arriver en forme et bien préparée au GRP. Je me fixe donc certains objectifs avant la grande échéance que sera le Tour des Lacs.

C’est ainsi que je débute l’année mi-janvier par le trail blanc du Sancy – Mont d’Or (30 km 1500 D+) puis j’enchaine avec le Champ du Loup début avril (41 km 1100 D+) , le week-end off du RAPV à Crozon début mai (70 km 1500 D+), le RaidYon mi-mai (57 km 750 D+) puis le trail du Verdon mi-juin (22 km 1300 D+) et l’Utra-marin de Vannes début juillet (56 km 350 D+).

Entre toutes ces échéances, j’axe ma prépa en fonction de chaque course, puis l’accentue pour le GRP en suivant les conseils du coach (de la course, de la rando, du renfo ++, du VTT, des côtes et des côtes…) Tout se passe bien malgré un été caniculaire. Je termine ma prépa en ayant cumulé 1400 km de VTT et 1500 km de cap avec 38 000D+ depuis le début de l’année. Je suis confiante, l’impression d’être bien préparée et me sens en forme même si bien contente que la date butoir approche et que la prépa se termine.


J-3 à J-1

Après 10 jours de vacances et de repos en famille, j’arrive à Vielle Aure le jeudi dans l’après-midi, ma course aura lieu samedi.
L’ambiance est festive dans son bourg, je retrouve des amis et les copains Rapvistes, certains sont sur le Tour du Moudang, d’autres courront le lendemain sur le Tour du Néouvielle, que d’excitation. Je retrouve également Eloïse, une amie qui sera présente samedi sur les ravitos pour les encouragements !!
Le vendredi, après l’arrivée des copains avec qui je serai à l’appart’ (Alexis, Patrice et Pierre), nous regagnons à nouveau le bourg de Vielle Aure, on encourage, on traine au bar, on suit de près les copains Rapvistes en course, les arrivées se font progressivement, il est temps d’aller chercher les dossards pour nous et de donner les sacs avec les affaires de rechange à Eloise pour demain !
Fin de soirée, on regagne l’appart’ : il faut préparer les camelbak, se poser, manger… on est tous les 4.. la pression monte un peu (enfin du moins pour moi… bien qu’assez
confiante et sereine). On revoit ensemble la liste du matériel obligatoire. Alexis, Patrice et moi-même assaillons Pierre de questions .. qui a de l’expérience sur les ultras.

Pour nous 3 c’est notre première fois.. C’est rassurant d’avoir ses conseils, d’écouter son vécu… 21h30 dodo pour tout le monde, réveil prévu à 3h, une bonne nuit est indispensable avant la longue journée qui nous attend..


Jour J

Après une nuit chaotique pour moi, un sommeil plus que léger, le réveil retentit à 3h, ca y est, on y est. Petit déj’ conséquent, habillage, camelbak sur le dos qui pèse tellement lourd, toujours le stress d’oublier quelque chose, la frontale installée et c’est parti, nous regagnons le bourg de Vielle Aure à pied (nous logeons à 300 m du bourg).
Nous nous mélangeons dans la foule des quelques 1200 traileurs qui vont prendre le départ et rejoignons les amis du RAPV derrière la ligne de départ (nous sommes 11 Rapvistes sur cette course dont Lucie mais qui aujourd’hui fera sa course avec son amie Adèle), j’ai entre temps perdu de vue mes amis Alexis et Patrice avec qui je pensais peut-être prendre le départ, je suis déçue de ne plus les voir mais je reste confiante puisque je suis entourée des amis du RAPV et rassurée de ne pas partir seule, le speaker nous met une ambiance de fou, je suis remplie d’émotions, d’excitation.

Il est 5h du matin….5, 4, 3, 2, 1 ça y est le départ est donné, c’est parti pour une longue, très longue aventure….
Je guette les bords de trottoir les 300 premiers mètres, je sais que mon mari et ma fille sont là pour mon départ (je sais qu’ils prennent la route pour la Vendée aussitôt après et qu’ils me suivront sur le live-trail), mais je ne les verrai malheureusement pas. J’arrive à faire un petit coucou à Eloïse qui, elle aussi, est là pour notre départ.
On est acclamé par foule de gens dans le noir avec nos frontales. On vient de quitter le bourg de Vielle Aure pour rejoindre Vignec, les 2 premiers km sont roulants, il y a toujours des spectateurs, on a les encouragements de coachette, que ça fait du bien.

Et c’est le début de l’ascension pour le col de Portet, je déplie mes bâtons, je grimpe avec un bon rythme. Je connais ce début de parcours pour l’avoir fait l’année dernière mais aujourd’hui c’est dans l’obscurité que je le vis. C’est une ambiance particulière la nuit, tout le monde est concentré. Je guette autour de moi les maillots bleus et noirs, j’ai vraiment en tête de ne pas vivre cette aventure seule et j’ai pris le départ auprès de Pierre, ce qui me rassure. Il m’a entre temps laissée pour une pause pipi et moi j’ai poursuivi mon ascension. Quand je lève la tête, je distingue une longue guirlande faite de frontales les unes après les autres à monter ce Portet.
2h30 déjà que je grimpe et j’ai l’impression d’être juste partie.. le jour se lève petit à petit et c’est un magnifique panorama que je contemple de là-haut, nous sommes au-dessus des nuages, le soleil se lève derrière la montagne, une belle journée s’annonce, je commence quelques clichés photos…. Une demi-heure plus tard me voilà arrivée au 1er ravito « les Merlans ».

Tout va bien, bon on vient de faire 1500D+ sur cette première ascension de 13 km, ça met en jambes !!
Je prends une soupe chaude, le petit matin est frisquet, j’ai les mains gelées, je grignote un peu, les copains du RAPV me rejoignent, certains sont déjà bien devant, me voilà prête à repartir quand Pierre arrive, après quelques instants d’attente il préfère que je reparte pour rattraper certains déjà repartis, ce que je fais.

C’est donc reparti ! Je reprends une bonne allure, pressée d’être au soleil pour me réchauffer. Je rejoins Guillaume F. qui était parti devant. Je suis à l’aise.
Ça y est nous sommes sur un versant ensoleillé, c’est agréable, ça réchauffe. Les paysages sont magnifiques. Les lacs vont se succéder.

Arrivée à la Mongie, tout va bien !

Je prends quelques photos par- ci, par-là. Je suis toujours sur le même parcours que l’an dernier et j’adore cette portion et ce jusqu’au col du Bastanet que je trouve moins dur que l’année dernière. Le bip retentit là-haut et un bénévole joyeux dit « le bastanet c’est gagné ». La vue en est toujours aussi magnifique ! Place à la descente, plutôt technique, toujours avec des lacs par-ci par-là. Pierre me rattrape, je suis contente de le voir, je sais qu’il a « du coffre » et savais donc qu’il finirait par réapparaître.

On continue donc ensemble. Lucie et Adèle sont juste devant. Cette partie me semble longue et je me souviens lui avoir dit « vivement qu’on grimpe un peu… ». Eh bien voilà tu voulais monter….eh bien c’est maintenant.

Nous partons vers l’ascension du Serpolet… une belle montée avant de rejoindre l’autre versant de la montagne qu’est la Mongie. Le Serpolet met les jambes à rude épreuve, une ascension bien raide et longue.

Arrivés là- haut Pierre propose une petite pause de 2’ que je ne refuse pas. Nous contemplons la Mongie en contrebas avec le soleil. Il ne reste plus qu’à descendre ce versant pour regagner la Mongie où Eloise m’attend, j’ai hâte de la voir.
Nous repartons… la descente est glissante, c’est là encore très technique, je ne suis pas à l’aise, je finis sur les fesses … j’ai glissé chef !!

Enfin nous y voilà, on peut s’élancer sur quelques mètres pour rejoindre le 2è ravito « La Mongie » J’entends des cris d’encouragement Eloise est là, que ça fait du bien, elle me demande comment ça va. Je lui réponds c’est très dur. Mais elle est là, bienveillante et ça apaise.

Oui c’est vraiment très dur mais je ne suis pas d’un tempérament à lâcher. Nous avons fait 30 km alors il faut tenir bon. Je me
ravitaille ( fromage, jambon, soupe..), je profite de faire le plein d’eau, une petite pause pipi, j’aperçois Lucie et Guillaume, c’est rassurant de voir les amis. Ils repartent devant. Pierre m’interpelle : il ne va
pas falloir trainer, on est à 15 min de la barrière horaire (BH)
.
C’est un premier coup sur la tête que je viens de me prendre, jusque là je ne pensais pas trop à ce genre de détails… on est vraiment rac et je ne sais pas ce que c’est encore, je ne connais pas ça, ça s’apprend ça se gère… On repart donc rapidement de ce ravito.. je ne suis pas prête dans ma tête à devoir abandonner pour une BH !!!!


Nous attaquons alors ensemble la montée du Sencours (8 km 900 D+) . Le début est plutôt facile, on peut trottiner et au fur et à mesure la pente se dresse, les lacets s’enchainent. Le temps est idéal, il fait beau mais nous ne souffrons pas de la chaleur. Le pic du Midi qui était bien dégagé quand on a quitté la Mongie est désormais dans les nuages, cela nous préserve le moral car on ne peut plus apprécier la distance qui nous sépare et sa hauteur, car oui nous allons bel et bien faire cet aller-retour tout là-haut… Pierre fait des pauses, je me retourne régulièrement afin de m’assurer qu’il reparte à
chaque fois, je sais qu’il montera à son rythme et on se retrouvera là-haut ! C’est très dur, interminable, le rythme est très lent, on ne voit jamais la fin, j’en profite pour regarder mon téléphone qui capte et j’ai reçu des messages d’encouragements de copains copines, je les lis, je réponds, je discute rapidement, j’envoie une vidéo à mon mari pour dire que tout va bien. Ça rebooste tout ça, il ne faut rien lâcher bordel, promis juré je n’abandonnerai pas et les BH ne me mettront pas hors course.

Je relâche la pression

Après 2h d’ascension me voilà bientôt arrivée en haut du Sencours, je suis éprouvée. Il y a un ravito eau seulement avant de se lancer sur l’aller-retour au Pic du Midi. Jérôme du RAPV est là, je verse quelques larmes, je relâche la pression que j’ai accumulée pendant ces 2 dernières heures… la BH qui nous colle, l’ascension très longue, un début d’épuisement physique et psychique..

Pierre arrive à son tour, Guillaume est là également. Ce dernier nous annonce qu’il n’a plus de jus, qu’il n’arrive plus à s’alimenter et qu’il vomit.
Un bénévole nous annonce que la BH est décalée d’une demi-heure du fait d’une modification de parcours. Il est alors 15h00 et la BH passe à 16h00. C’est une sacré bonne nouvelle, un énorme poids de moins à porter, les sourires reviennent. Après avoir pris un petit verre… d’eau lol, nous partons Pierre, Guillaume et moi-même pour le Pic du Midi. Jérôme nous accompagne ce qui nous permet d’échanger, ça fait beaucoup de bien.
Cet aller-retour que je haïssais finalement me transforme. La montée est plutôt « facile », elle se fait avec aisance et tout le long, nous croisons les amis Rapvistes en course devant nous, qui eux, sont sur la descente, ça rebooste un sacré coup tout ce petit monde.
Puis on croise Alexis et Patrice, je suis tellement contente de les voir, échanger quelques mots, se rassurer, tout va bien pour eux, c’est très dur également mais ils gèrent !
Les encouragements affluent de part et d’autre de tous les traileurs, c’est énorme cette solidarité « c’est super ce que vous faites, bravo, courage, vous y êtes presque, allez » etc…) ça fait chaud au cœur. Lucie et Adèle sont en forme, je les croise également elles repartent juste du Pic.

Les quelques derniers mètres avant l’arrivée ne sont pas simples et me rappellent que les jambes sont un peu attaquées.. le bip retentit Le Pic du Midi est atteint, j’en profite pour appeler mon mari qui ne répond pas et j’appelle donc Emma en face time, le paysage est un peu couvert mais le pic en lui-même est dégagé. Je donne quelques nouvelles, je vais bien.
Pierre me rejoint.. on ne traine pas là-haut car il ne faut pas oublier les BH et il faut redescendre ! Guillaume est là également et nous repartons tous les 3 , chacun descend à son rythme, on peut dérouler un peu plus dans cette descente, on en profite et on se rejoint après au ravito retour du Sencours.

La BH est décalée

Annabelle et ses gros bonhommes !

3è ravito « Sencours retour » dans une petite cabane en pierre où l’ambiance est détendue, on y trouve de la soupe, de la purée, je goûte tout, la purée est excellente, je la conseille même à Guillaume qui a du mal à s’alimenter, ça passe bien. On prend le temps de donner des nouvelles sur le groupe famille WhatsApp. Là-aussi la BH est décalée de 30 min. Je me sens mieux, on est à la moitié de la course. Il reste encore beaucoup à donner. On discute avec les traileurs. Bon on apprend que les prochaines BH ne sont pas décalées alors il va être temps de repartir.
Pendant que Pierre fait une pause technique, Guillaume décide de repartir devant et moi j’attends Pierre… Allez nous repartons pour quelques km de descente pour atteindre le prochain ravito qui sera Tournaboup où Eloise m’attend normalement. Les cuisses chauffent, la descente est assez longue, nous arrivons à rejoindre Guillaume et nous nous encourageons tous les 3 pour allez jusqu’au ravito, ça commence à être franchement dur pour moi, mais je m’accroche. Je reconnais la station dans laquelle nous arrivons à Barèges.

4è ravito « Tournaboup » Eloise est là, elle m’accueille en m’encourageant. Je suis contente de la voir. Nous sommes à 51 km et 13h32 de course, je ne compte pas le D+ . Encore quelques 30 km et quelques heures, je préfère ne pas compter, Pierre est là et je compte sur lui pour les calculs lol. Une petite soupe, un peu de solides, je me pose et je vais profiter du réconfort d’Eloïse. Elle me demande si je veux du rechange, je fais le choix de changer de maillot pour me mettre au sec, les pieds vont bien et je ne change donc pas de chaussettes, je refais le plein de pom’potes. Une pause pipi et hop il est déjà temps de repartir, les copains m’attendent.
Maintenant c’est décidé, on repart tous les 3 jusqu’au bout. Je me sens requinquée.

On quitte Eloïse qui me dit que désormais on se retrouvera à l’arrivée…
Elle nous souhaite bon courage et nous nous élançons sur l’ascension de la Hourquette Nère (8 km 1000 D+). Le début se passe plutôt bien, j’en profite pour appeler mon mari pour le rassurer et lui expliquer où j’en suis (il est rentré à la maison et me suit de loin..). Un coureur se joint à nous, Pierre nous raconte des blagues, on chante, l’ambiance est détendue, un peu plus haut je me retrouve avec 2 jeunes filles très sympa avec qui je discute au fur et à mesure de la montée, elles me demandent si je passe la nuit seule, je leur explique que non, que c’est ma première fois sur cette distance et donc la nuit et que je ne me serais pas aventurée seule sur ce genre de course. Elles, copines, se lançaient sur ce défi toutes les 2. Elles ont l’air bien à l’aise, elles n’ont pas mis longtemps à prendre de la distance et je les ai rapidement perdues de vue, cela veut aussi dire que moi je suis en train de faiblir… Pierre et Guillaume m’ont rattrapée, la fatigue commence à se faire sentir, les kilomètres ne passent pas (je
regarde ma montre… je pense qu’on arrive bientôt hélas seulement 1.5 km de parcourus…) je commence à me plaindre. Les mauvaises idées m’envahissent… Les pieds me chauffent, Pierre décide un arrêt immédiat pour me strapper les 2 pieds avant que les ampoules n’apparaissent.

Petite pédicure en altitude !

Quel bon réflexe il a eu.. mes pieds ont été épargnés jusqu’au bout, c’est bien d’ailleurs la seule chose qui ait été jusqu’au bout intacte !! Merci Pierre.. comme quoi l’expérience…

Et on progresse très doucement, nous remontons les ruisseaux, quelques gouttes d’eau nous menacent puis finalement nous n’aurons pas de pluie, ouf . Pierre connaît l’endroit, il me promet toujours qu’on va arriver à cette fameuse cabane d’Aygues Cluses, mais on n’en voit jamais le bout, je commence à parler d’abandon, mon corps souffre physiquement et le moral ne va plus dans le bon sens, au fond de moi je veux aller au bout, je rêve d’être finisher, mais je réalise qu’il reste encore de très longues heures de course. Guillaume et Pierre me disent qu’on abandonne pas comme ça, tu n’es pas blessée, tu n’es pas malade… donc tu continues. Je me raccroche, la nuit commence à tomber, je sors ma frontale. Je lui dis qu’au prochain ravito je veux monter dans une voiture, il me dit c’est impossible Annabelle, les bénévoles montent au ravito à pied, donc si tu abandonnes là, tu devras redescendre à pied alors autant continuer avec nous. Bon ok j’avoue, il n’a pas tort.. on finit par voir au loin de grosses flammes, bordel c’est le ravito, bientôt 16h00 de course !!

Il fait bien noir désormais

Il fait bien noir désormais, c’est humide et il est temps de se couvrir. Jambon cru, soupe… ça passe toujours aussi bien, je n’ai aucun souci d’alimentation, j’aurai goûté toutes les soupes (au vermicelle, aux légumes, à la tomate…) On profite de ce ravito pour se couvrir, la manche longue, la veste, je me réchauffe auprès du feu de joie.

C’est dur aussi pour Guillaume mais il ne se plaint pas, on lui propose soupe et jambon. On récupère un petit peu sur ce ravito, Pierre gère les BH, nous guide.
Moi désormais je me laisse porter car je ne peux plus gérer ça. De toute façon il peut dire tout ce qu’il veut, je manque de lucidité, et je suis dans une partie de l’aventure qui m’est totalement inconnue, courir de nuit, donc plus de repère.

Après ce ravito, nous continuons l’ascension, ça va devenir extrêmement compliqué pour moi. La nuit on n’apprécie pas le dénivelé de la même façon, on n’anticipe pas sa trajectoire, on avance au faisceau de sa frontale, on imagine ce qui nous attend quand en levant la tête on distingue les frontales au loin et surtout tout en haut de la montagne et on se dit on va jusque-là bas. Il y a du brouillard, on cherche les rubalises phosphorescentes, ça demande de la concentration. Je vais rentrer dans une phase d’endormissement, mon corps est épuisé, ma tête est lourde et ce jusqu’au ravito des Merlans, notre dernier ravito avant les 12 derniers km de descente, que nous atteignons en 20h28 de course.

Durant ces 4h30 entre les 2 ravitos, je vais être insupportable, tout me paraît insurmontable, je gémis sans arrêt , j’ai mal, je veux dormir, j’hallucine, c’est interminable, c’est infinissable, je dors sur mes bâtons, je suis incapable de vous décrire cette partie tellement elle a été compliquée… J’ai puisé toutes mes réserves..
Pierre donne tout, il m’encourage, il m’aide, me guide, parfois me pousse avec le camelbak pour que je grimpe, comme il dit je suis un robot, je ne sais même pas comment j’avance. Je veux m’arrêter n’importe où mais arrêter cette souffrance physique et psychique. Plus rien ne répond, mon cerveau est déconnecté. Pourtant, au plus profond de moi-même, quelque chose me dit n’abandonne pas… mais je me rend bien compte que j’en suis incapable. Je n’arrive plus à résister face au sommeil qui m’emporte. Alors cf le récit de Pierre pour cette partie que je ne peux vous décrire quoi que les souvenirs de la Sapinière sont horribles … Jusqu’à notre arrivée au « dernier ravito des Merlans ».

Je veux dormir

Là, c’est sûr, je m’arrête, je veux dormir, monter dans une voiture, ça m’obsède et je suis devenue ingérable pour ces 2 gentils garçons qui me supportent depuis de nombreuses heures. Je dois puiser de l’énergie à Pierre qui ne me lâche pas et Guillaume qui souffre mais qui ne se plaint jamais.
J’ai honte mais c’est plus fort que moi, il faut que j’extériorise mon mal. C’est incontrôlable. Le bip retentit, on vient de rentrer aux Merlans.

Pierre veut que j’aille me coucher, il a raison mais moi têtue je m’assoie. Mais il ne me laisse pas le choix, va te coucher et je viens te chercher, tu ne bouges pas avant me dit-il. Seulement, je suis prise en charge par un pompier qui me questionne.. je n’ai mal nulle part je suis juste épuisée. Il me dit qu’il m’accorde de dormir 10 min pas plus si je veux repartir par rapport aux BH. Il me couvre d’une couverture chaude. Je ferme les yeux mais bien sûr je ne m’endors pas, je guette ce qui se trame sur mon dos… j’entends …oui mais on veut l’amener jusqu’au bout… vous pensez que c’est raisonnable dit le pompier… ils sont à « staffer » sur mon état… 10 min viennent de s’écouler, le pompier vient me chercher, je me relève et rejoins Pierre et Guillaume. Pierre me demande pourquoi je me suis levée, c’est lui qui devait venir me réveiller mais le pompier en avait décidé autrement. Ce dernier leur dit il faut qu’elle prenne une soupe. Je sors mon téléphone pour donner des nouvelles à mon mari qui quelques heures plus tôt (à 21h46) me demandait comment j’allais. Pierre me dit range ton téléphone et boit ta soupe. Ce que je fais. Je leur dis « on repart ? » Je les scotche, eux qui pensaient que je ne repartirais probablement pas… Je profite avant de repartir de changer mon short pour le pantalon et sortir les gants, oui il fait froid et c’est humide. Ca y est je crois qu’on est tous les 3 prêts, j’ai eu entre temps les encouragements d’une amie de Vendée qui se trouvait en même temps au ravito « Annabelle tu lâches rien tu vas jusqu’au bout !! » elle est repartie avant moi du ravito, je lui pince un sourire.

Voilà nous repartons, Il est alors 1h45. J’envoie un message à mon mari « très dur, je voulais abandonner, les gars veulent m’amener jusqu’au bout, je suis épuisée, on est au ravito Merlans, je vais tenter, on repart » Il m’envoie une réponse à 3h (il avait mis le réveil) on croit en toi allez !!
Cette micro-pause m’a « requinquée » et je demande à Pierre si on court lol. Il me dit que non car nous montons dès la sortie des Merlans le col du Portet mais qu’après dans la descente on verra. Alors je pars d’un bon pas avec mes bâtons, j’ai récupéré un peu de peps et ça monte bien, je me suis mise dans ma bulle, je monte avec du rythme, les gars sont derrière. Mais cette montée est encore une fois interminable (je connais le parcours jusqu’à l’arrivée, puisque c’est le même que l’année dernière)
Dans mes souvenirs, c’était plus court, mais de le vivre de nuit et épuisée, ce n’est plus pareil ! Et une fois le Portet atteint, nous entamons la descente, infernale, interminable, les jambes ne répondent plus beaucoup aux relances, la fatigue va revenir progressivement, mes genoux deviennent très douloureux dans cette descente. Les rubalises phosphorescentes flottent au vent, on peut les distinguer à perte de vue, je gémis de douleurs, mes genoux brulent, je me souviens qu’à un moment on part sur la droite mais ça n’arrive jamais. La musique d’une boite de nuit (venant du Plat d’Adet) nous accompagne dans cette descente mais ce n’est pas reposant, musique techno…

Chaque foulée, chaque pas est une souffrance. Et nous poursuivons la descente, encore et encore ..
Nous arrivons à Soullans puis Vignec. La douleur est insoutenable, tous les chemins qu’on emprunte sont interminables, les descentes sont tellement raides. Je jure plus jamais le GRP, plus jamais la montagne, plus jamais … je souffre je veux que ça s’arrête puis on arrive au panneau « Vielle Aure 3 km » Pierre me dit allez plus qu’1 h de course.
Je lui dis quoi ? mais non c’est pas possible. Il me dit vu l’allure à laquelle on avance… malheureusement si. Je n’en peux plus, cela fait presque 3 heures qu’on est reparti des Merlans, on fait à peine 1 km en 20 min…. mais je m’accroche et maintenant même si chaque pas est une énorme souffrance, il n’est plus question d’abandonner mais surtout de pouvoir franchir la ligne d’arrivée avant la BH qui est fixée à 25h de course, nous en sommes à 23h30 environ.

On essaye par moment de relancer

On essaye par moment de relancer la foulée mais nos jambes sont cuites, y’a plus grand-chose qui répond, le mental sans doute nous mène encore un peu. On arrive bientôt au pont de Vignec, on se dit qu’on va peut-être enlever notre veste pour notre arrivée avec le maillot RAPV, chose que l’on fait, j’avoue que là il nous reste 1 petit km à parcourir et que c’est bientôt la délivrance. J’en profite pour jeter un œil au téléphone, Alexis m’a envoyé un message à 3h pour me dire « courage Annabelle de tout cœur avec toi on se couche on n’en peut plus » Eloise à 4h18 « grosse pensée pour toi Anna, on rentre, désolé fatigue et froid gros bisous » . Je les comprends et j’espérais bien qu’ils ne soient pas à nous attendre depuis ces longues heures dans la nuit, je ne leur en veux pas !
Allez on descend le petit escalier pour prendre ce fameux chemin qui longe la Nest, on essaye de relancer, les jambes repartent mais que c’est lourd et encore interminable….le chemin est sombre, seul le bruit du torrent qui le longe agrémente nos derniers mètres, les spectateurs sont bel et bien couchés.. une dame apparaît dans le chemin en frappant dans les mains et nous dit « bravo ».

Un dernier petit virage sur la gauche et là c’est la ligne d’arrivée qui nous attend un peu plus bas où le speaker nous accueille avec quelques spectateurs (4-5 personnes sont accoudées aux ganivelles) qui applaudissent. L’ambiance est très calme. Nous franchissons cette ligne d’arrivée tous les 3 trois, mains dans les mains, je suis tellement épuisée que mes émotions ne sortent pas, je suis contente mais je me demande comment j’ai réussi à finir, arriver jusque-là !

Finisher en 24h32 de course, c’est incroyable !
Nous avançons jusqu’au ravito où des bénévoles sont encore là, remise du tee-shirt et de la médaille finisher puis boissons et ravito solide, assis.
Perso je n’ai pas faim, je prends une eau gazeuse, les gars trinquent avec une bière puis une 2è (le bar est encore ouvert !!) j’en profite pour appeler mon mari, qui est sur le Qui-vive depuis quelques heures, pour le rassurer … et maintenant il faut se relever et relancer les jambes pour rentrer à l’appart’ … ce qui finalement se fait en marche rapide, je rêve d’un bain pour me délacer les jambes, Pierre rêve de se jeter sur son lit tel quel. Guillaume loge sur Vignec et doit refaire 3 km pour regagner son appart’. On lui souhaite bon courage.

Merci à Pierre et Guillaume sans qui ça n’aurait pas été possible, merci Pierre de m’avoir permis d’être finisher, je t’ai puisé tant d’énergie, tu sais à quel point je m’en veux.

Un grand MERCI de m’avoir supportée pendant de longues heures interminables. Je n’avais pas imaginé mon 1er ultra de cette manière mais comme quoi rien n’est jamais écrit et certain. J’étais prête physiquement et j’étais très motivée mais mon corps a mal réagi, des tas de questionnements….
Pourquoi ? que s’est-il passé ? Qu’ai-je fait ou pas bien fait ? C’est une grande remise en question de soi.
Cette épreuve restera gravée à vie, ça été malgré tout une belle aventure sportive, humaine, où l’on partage les émotions, les joies, les peurs, les angoisses, les maux.
J’ai dépassé ma ligne rouge voire la zone rouge, je me suis surpassée.
Les paysages sont magnifiques mais se méritent. J’ai effectivement dit plus JAMAIS au moment de la souffrance, mais après une courte nuit (2h15) mon corps s’est reposé et vite rétabli et j’ai tout de suite dit « JE RECOMMENCERAI » !!! Je me fixe d’ailleurs déjà de futurs objectifs 2023 dont le MIUT 60 km et bien d’autres !

Anna