Raid Aventure Pays de Vie

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Envoyé spécial au coeur du trail des Hospitaliers

Envoyé spécial au coeur du trail des Hospitaliers

Envoyé spécial au cœur du Trail des Hospitaliers : ou comment les coureurs à masse grasse élevée réussissent l’exploit !

Que restera-t-il de ce trail ? Certainement un beau moment de partage. Des joies et des souffrances. Une arrivée plus belle qu’un terminus d’ultra-trail avec les membres du RAPV en folie.

Comment vous raconter tout cela ? En commençant par un moment clé ? Une détresse ? Une joie ? Zut ! Je commence par le début. Un bon vieux plan chronologique bien pénible et ennuyeux.

Préparation (poil au menton)

Pour une fois ce sera rapide. L’objectif de l’année arrive en cette fin d’octobre. Après m’être bien fait plaisir cette saison en 29 courses (CO comprises), après avoir tenté de faire monter la ligne rouge selon Herr Doktor Jourdain, après avoir planifié et réussi le beau tremplin que représentait le 43km du GRP vers cet assaut final des Hospitaliers, le corps a dit : « Aïe » et le mental a dit : « Marre ! » Il fallait couper au moins une semaine. J’ai coupé 4 jours. Puis les séances ont repris. Mais la tête en avait marre. Un rhume, une bronchite, une cheville qui gonfle, une contracture au mollet et un début d’aponévrosite plantaire. Trois fois rien en soi. On est des coureurs. Avoir mal est la base. Mais ça ne participe pas à une préparation optimale. Donc faute de mieux j’ai essayé d’appliquer ce que je n’avais pas pu faire pour le GRP. Du vélo et du vtt. Ouh la ! Pas 36 séances. Non non ! Mais 4 séances en un mois, entrecoupées des séances de VMA du club durant lesquelles le niveau baissait peu à peu,et de la muscu. Encore une fois plutôt en dose homéopathique. Mais 20 jours avant la course il a été temps de s’affoler. Week-end choc ! Deux heures de vélo avec Michael Bouyer (heureusement que David Luttiau n’a pas pu venir car c’était assez dur comme ça) suivies du 30km de la vallée de l’Yon à Rosnay. Le mental a pris cher là bas. Ne pas réussir à suivre les collègues avec qui je suis sensé courir aux Hospitaliers, 12 bornes dans le dur dont 7 à marcher… Pfff… Naze tout ça. Mais tant pis on continue. VTT et fentes. A 9 jours du terme 626 fentes dans la soirée. J’étais assez content de moi. Loin des 1000 fentes recommandées pour la prépa du 220 du GRP mais ce n’est pas l’objectif. VTT le lendemain et petit cross du collège le surlendemain avec un 750m en 2’13. C’est mieux non ? La tête va mieux. Aller je passe sur la dernière semaine durant laquelle j’ai remué du bois pour la maison..

Un petit voyage avec le RAPV

Ça fera partie des moments très agréables de ce séjour. Un beau moment de partage. Départ en minibus du Poiré sur Vie le vendredi matin en compagnie de sa majesté présidentielle Sébastien Gauvrit, Martin Gauvrit (le fiston du président qui va prendre une belle troisième place chez les enfants), Guillaume Gouas (un coureur de plus en plus impressionnant), Elie Sionneau (l’homme qui bat Guillaume Jourdain), Emilien Bertheau (cent bornard des Templiers qui va tutoyer le premier peloton) et François Grelier qui… AH ben non ! Monsieur est borgne et doit se rendre aux urgences. C’est vraiment un coup dur pour lui car il pouvait se distinguer sur cette course. On est tous attristés mais on ne va pas se priver de le chambrer pour autant.

Hommage à Fanch le borgne

Après 9h de route et 700 km nous arrivons à Nant. 18 coureurs et leur famille. Environ 40 personnes et un gros centre de loisirs avec tous les enfants. Bref. Le samedi c’est retrait des dossards, courses enfants et Trail du 30km. Les enfants se distinguent (4 podiums en 3 courses dont 3 premières places). Sur le 30km Elie, Sandrine, Cindy et Elodie vont au bout de leur périple. La journée du reste du monde s’est déroulée en suivi du Trail de nos quatre coureurs. Nous avons ainsi pu voir Cantobre sous le soleil.

Départ de la course dimanche 28 octobre 5h

Au menu du petit dèj : président aux lentilles.

 

Après une nuit presque reposante, un petit déjeuner où l’on côtoie un président qui mange des lentilles, un Teurch à la confiture et moi-même à la purée de patates douces accompagnée de son escalope de poulet (il faut faire du Trail pour comprendre un truc pareil), départ en minibus pour Nant. Ça caille dur, annonçant le thème de la journée : froid et venteux.  Je retrouve Thomas Coutand avant le départ. Il est descendu de Clermont pour nous voir et a gentiment accepté de faire mon assistance. Pour moi ça tient de l’assistant de luxe. Thomas a réussi ses challenges de grand trail et d’ultra-trail. C’est vraiment gentil à lui. Il nous suivra toute la journée à chaque passage possible.

Le RAPV prêt à gagner. Teurch, Freddy « Djadja », Michaël, David, Pascal, Bibi, Guigui Go, Nicolas, Emilien, Sébastien, Guillaume, Manu, Steven, Jérémie.

Nous rentrons dans le sas de départ. 530 coureurs rassemblés en quelques mètres carrés. Ça sent la nok, la crème et parfois autre chose… Chacun libère son stress comme il le peut. On allume les frontales (merci Steph May, excellent conseil), on vérifie les sangles du camel, on regarde si la montre a trouvé le GPS et on attend. Et boum ! C’est parti. Départ sous un petit feu d’artifice très sympathique. Les fauves sont lâchés dans les rues de Nant. Les sensations sont pour le moins étranges. Pas de stress, pas de soulagement, pas de joie démesurée. Non. Rien que le sentiment de partir pour une course lambda. Il y avait une certaine dose de concentration et d’attention mais rien d’exceptionnel. Je me dis que c’est bon signe. La tête est prête, calibrée, conditionnée pour aller au bout.

Le départ passé, les rues défilent avant que nous nous enfoncions dans la nuit et la campagne. Je suis attentif à l’endroit où je mets mes pieds. Pas question de se faire une bête entorse. Je suis concentré sur mon allure, gestion est le maître mot de cette course. Freddy « Djadja » et Guigui Gouas sont partis devant. Le groupe de 6 guerriers est constitué. Avec moi pour cette aventure :

-Manu Bossis. C’est l’homme de la situation. Il est expérimenté sur ces distances, bien préparé, ce sera notre métronome.

-Steven Callard. Lui aussi expérimenté mais sujet à des problèmes gastriques qui le handicapent sur chaque trail long. Il va plus vite que nous mais reste avec nous pour le début.

Jérémie David. Un coffre et une régularité. Il a le 80km du GRP derrière lui. Autant dire il connait la distance avec plus de difficulté. Mais depuis son entrainement se limite à deux footings en deux mois. On peut avouer une certaine régularité dans sa préparation. Mais il s’aligne avec comme plus grand espoir, celui d’atteindre le 30ème km, et encore…

-Pascal Richard. On devrait dire Pascal Richard Cœur de Lion. Il débute sur la distance. Mais il est régulier. Durant toute la course il va nous soutenir, fermer la marche (la place que je hais le plus, très mauvais pour mon moral), proposer ses bâtons… Tout simplement génial.

-Nicolas Pascreau. Premier trail long pour lui. Une bonne humeur en adéquation avec nous tous et un mental exceptionnel.

-Et puis bibi.

De bonnes têtes de vainqueurs : Manu, Steven, Nicolas, Jérémie et bibi, Pascal prenant la photo.

Les premières ascensions se font dans le noir. Elles ne sont pas méchantes mais j’ai du mal à me dire de suivre le rythme imposé par Steven, Nico et Manu. Il y a pas mal de monde et dès le 2ème km je décide de prendre mon allure pour m’économiser. Dès le 3ème je tombe la veste UTMB en marchant. Je perds moins de temps que si je m’étais arrêté mais je prends encore un petit éclat par rapport aux autres. J’accélère un peu et parviens à garder un écart raisonnable et stable. Écart qui va se réduire car ils m’attendent un peu. Steven fait un premier ralentissement pour prendre de mes nouvelles quelques km après. Je mangeais tranquillement ma Pom’soupe (une pom’pote vide remplie de soupe maison). Premier souci. Un de mes bâtons ne veut pas se déplier. Impossible de sortir le dernier brin. Bon tant pis.

Nous passons dans une ferme, puis par dessus une barrière métallique qui ferme un enclos. Les premiers km dans le noir ne sont pas les meilleurs. Bien que ce soit fort sympathique de courir entouré de toutes ces frontales, autant de phares dans la nuit, le chemin et les paysages ne sont guère visibles. C’est peut-être mieux ainsi.

Lever de soleil et premier ravitaillement

Alors que le jour se lève notre petit peloton de 6 coureurs est à nouveau compact. Nous sommes toujours entourés de concurrents mais le tri a été fait. Je pense qu’ils sont nombreux derrière. Le jour point à l’horizon mais nous traversons un petit bois et le moment n’est pas l’instant magnifique que nous aurions pu vivre. Peu de temps après nous pouvons cependant nous saouler des magnifiques couleurs qui inondent le ciel et les Causses.

Nous parvenons au ravitaillement de Sauclière avec 1h45 d’avance sur les barrières horaires. C’est 30′ de mieux que ce que pensait faire Steven et 1h40 de mieux que ce que je m’imaginais. Je suis bien frais, un peu comme le temps. Brdl il fait vraiment un froid  de canard. Si je porte encore seconde couche thermique, maillot, manchons et gants, mes collègues n’ont pas encore quitté la veste. Et ça ne va pas changer tout de suite. Nous allons nous engager bientôt sur le Saint Guiral où les organisateurs nous ont prévu du vent.

Je trouve ce ravitaillement assez drôle somme toute. Il y a un pointage électronique doublé d’un pointage oralo-manuel. Je m’explique. Une bénévole hurle les numéros des dossards des coureurs. Cela donne une scène cocasse : » 158, 22, 48… Arrêtez monsieur je n’ai pas vu votre numéro ! 510… » etc.

Ceci mis à part c’est pause toilettes pour Steven, petit pipi pour nombre d’entre nous et arrêt boisson. Nous sommes dans la cour d’une école. Le bâtiment assez ancien indique un côté filles et un côté gars. Et Steven étrenne (pas sur que ce soit le bon terme) les toilettes du siècle dernier (j’avais prévenu ce n’est pas le bon).

En laissant traîner une oreille, la bénévole du pointage annonce qu’une petite centaine de coureurs demeurent à pointer. COMBIEN ? Nous n’en revenons pas. 1h45 d’avance et seulement une petite centaine (en réalité environ 70) ? C’est dingue. Nous pensons que le niveau doit être relevé pour que 80% des coureurs soient devant. Je remplis ma poche à eau. C’est la particularité de ce trail. Pas de ravitaillement solide avant le 43ème km. Deux ravitaillements en eau avant. Je trouve ça raide. Donc il faut être autonome. Je porte sur moi mes pom’soupes, des pom’potes et deux petites boites de 25cl de : purée de patates douces et escalope de poulet mixée et de semoule au chocolat. J’ai constaté la veille une fuite sur ma poche à eau de 2L. Cindy m’a donc prêté la sienne de 1L. Donc je suis attentif à ne pas manquer d’eau. Après 6′ d’arrêt (estimation) il est temps d’y aller. Nous poursuivons donc notre chemin. A Saint Jean du Bruel (22km) Cindy, Anita et les enfants sont là pour nous encourager. Thomas aussi. On est très content de les voir. Tellement que j’oublie de filer mon bâton en rade à Thomas. Alors que je le tiens dans les mains… Oh que je suis débile !

A l’assaut du Saint Guiral

Petite photo dans le Saint Guiral.

Nous nous élançons vers le sommet de la course (en terme d’altitude), le Saint Guiral. Il culmine à 1366m au km 37.5. Du haut il parait que nous pouvons apercevoir la Méditerranée. La première partie d’ascension qui nous amène à la Croix des Prisonniers (km26) est assez raide mais bien moins qu’au GRP. Le rythme est pris et tout le monde suit. On remarque que Jérémie a un peu plus de mal. Steven va mieux. Après avoir un peu subi les 15 premiers km, il relaye à nouveau. Nous arrivons donc au second ravitaillement en eau, celui de la Croix des Prisonniers. Alors j’ai bien regardé mais je n’ai vu aucune croix, ni aucun prisonnier. Je m’attendais à quoi ? Il n’y a pas non plus de nourriture puisque c’est un ravitaillement en eau. Deux tables en travers du chemin. Derrière, des bénévoles emmitouflés dans leur veste chaude jaune et de l’eau. Il fait froid, nous sommes dans une partie dépourvue d’abri, en plein vent. BRRRR ! La femme de Pascal est là. Petite assistance pour Manu et lui. Pour ma part après avoir rempli la poche à eau (j’ai bien descendu 1/2L depuis Sauclières), je m’assieds par terre pour manger un peu de purée. On repart rapidement. Sur le départ un coup de gel (miel salé maison) et feu.

La suite est une succession d’ascensions, souvent longues, parfois très raides, et de descentes en monotrace très très agréables. J’avoue m’être un peu lâché dans ces descentes. Mises à part 2 à 3 grosses « patates » durant lesquelles je serre les dents et marque le pas, c’est le moment du trail durant lequel je suis souvent en tête, menant le rythme et les descentes. Un grand kiff ces descentes. Elles me permettent de vraiment me faire plaisir après les montées sèches et raides qui me mettent facilement 50m derrière tout le monde.

 

Un grand « toboggan » typique de là bas. 

 

Une ballade avec Manu ?

La fin du Saint Guiral est franchement épuisante pour tout le monde, notamment pour Jérémie. Les relances sur les longues parties planes, emplies de kilogrammes de feuilles mortes (je n’en ai jamais vu autant) sont très difficiles pour tous. Mais Manu s’échine à relancer malgré lui aussi un coup de moins bien. Comme nous le redirons régulièrement : « Ce qui est pris en début de course n’est plus à prendre ! ET oui mon cher Jean-Mimi. Les points pris en début de saison ne sont plus à prendre. » Nicolas commence à se plaindre des genoux, tout comme Pascal qui m’avoue un petit genou douloureux. Steven reste le meneur dans les bosses. Les descentes sont pour moi avec de grands cris de joie. Je suis l’insouciant du groupe. Les blagues vont bon train depuis le début et la bonne humeur règne dans le groupe. Les km passent bien plus vite pour tout le monde.

La fin de l’ascension se fait dans un paysage qui fait penser à une lande. Des fougères sur un sol pierreux, mais aussi des sentiers un peu encaissés. Et ça va nous poser problème. A peu près autant que de faire course avec Manu qui a tendance à se perdre régulièrement. Arrivés proche du sommet nous bénéficions d’un point de vue admirable, non pas encore sur la Méditerranée, mais sur une lune magnifique… Chacun se soulage où il peut. Ce n’est qu’environ 500m plus loin, après avoir bien relancé dans une descente que nous remarquons qu’il n’y a plus de balisage. Nous ne sommes pas les seuls. Devant nous une demi douzaine de coureurs remonte et la même chose derrière nous descend. Nous nous regardons avec Jérémie et Nicolas. Il semble délicat pour eux d’envisager une remontée. Le coup est rude pour moi aussi. Manu semble un peu dans le dur. Cela va se confirmer dans les instants qui vont suivre. Pascal se propose de remonter pour trouver les rubalises. Il part devant. Après quelques instants de flottement, l’ensemble des coureurs et nous, décidons de repartir d’où nous venons, sur les pas de Pascal. A l’endroit où nous avions vu la lune se dévoile une intersection. Le chemin encaissé révèle des rubalises sur les fougères. Damned ! Les autres coureurs sont devant ainsi que Manu et Steven. Jérémie, Nicolas et moi fermons la marche. Un écart s’est creusé… Enfin le Saint Guiral. Un énorme bloc de roche posé sur le sommet.

En haut du Saint Guiral

 

L’égarement a mis un coup à tout le monde. Il est temps de manger un peu. Semoule au chocolat. Ça passe vraiment parfaitement. Ça fait beaucoup de bien. Par contre je m’inquiète de l’absence de Pascal. Il est devant sûrement. Steven part devant pour le retrouver. Nous décollons un peu plus tard. La descente est longue. Le sentier, relativement large, est jonché d’un épais tapis de feuilles mortes qui recouvrent de nombreuses pierres traîtresses. A ce moment là mes appuis sont moins sûrs. Un peu de fatigue. Nous descendons calmement avec Nicolas tandis que Manu et Jérémie sont plus assurés. L’écart grandit. Je demande à Nico de faire l’effort. Nous accélérons à la faveur d’un endroit moins piégeux. A peine rentrés nous devons de nouveau affronter des pierres à entorse. ET paf ! A nouveau 50m dans la vue. Durant cette longue descente il y a trois bosses à passer. Arrivés au pied du premier « coup de cul », inquiétude. Mais où est Pascal ? Un œil au téléphone: trois appels manqués. Je rappelle. Messagerie. C’est Pascal. Manu : « J’étais persuadé qu’il était avec vous derrière ». Effectivement Manu n’était pas lucide lors de notre escapade hors balisage. Après un nouveau message laissé, appel de Pascal alors que nous entamons cette bosse très raide. Nous comprenons qu’il est derrière nous, à environ 500m. Nous lui assurons que nous l’attendrons au ravitaillement de Dourbies maintenant très proche. Nous sommes à environ 2km de ce dernier. La seconde bosse est avalée. Elle n’est finalement qu’un gros faux plat. Les cloches de l’église retentissent alors que nous plongeons vers Dourbies. Aux bénévoles : « Désolés d’être en retard à la messe!

-Mais non c’est le ravitaillement qui sonne! »

Juste avant Dourbies Thomas nous attend. Il est vraiment content de nous voir et nous aussi. Un vrai plaisir. Nous filons dans le village, entre les maisons dans ces ruelles rapprochées et évidemment en pente (ascendante ça s’entend). Arrivée au ravitaillement ! Yes on va becqueter !

Ravitaillement de Dourbies km43

Encore une fois l’arrivée au ravitaillement est cocasse. Le bip se déclenche avant que l’on passe dessus. Nous nous arrêtons à l’entrée pour saluer les femmes de Nico et Pascal. Résultat une bénévole s’emporte car elle n’a pas vu le dossard de Manu dans les temps. Difficile mission.

La salle de Dourbies ressemble à un grand hall de gare. Un brouhaha donne l’ambiance. Il y a des coureurs, de la famille, des amis, des bénévoles… Une grande estrade surplombe les tables du ravitaillement. Un coureur se fait masser sous les applaudissements de sa famille (vraisemblablement) qui réagit à chaque effeuillage.

Il faut essayer d’être efficace. Remplir la poche, vider les emballages, faire le plein auprès de l’assistance (Magic Thomas), se changer (changer le maillot pour le maillot bis du RAPV, ajouter la veste du VROS et tomber la veste UTMB) et se ravitailler un peu. Une petite tartine de rillettes puis une petite de roquefort, deux verres d’eau, un ou deux carrés d’emmental et un morceau de banane (ça fait précis comme ça mais c’est une mémoire sélective). Steven me propose la moitié d’une bière… Non ce n’est pas raisonnable. Petit passage aux toilettes et zou.

Tout le monde décide de repartir sans sa petite membrane UTMB. « C’est parti !

-Où est Pascal ?

-Non c’est bon il suit.

-Hé on a oublié Nico. Il est encore avec sa femme et son fils. « 

Après 50m tout le monde profite de l’absence de Nico pour remettre sa veste. Il fait vraiment froid. Il doit être aux alentours de 12h et ça caille vraiment. On repart et Jérémie fait demi-tour. Bâtons oubliés. Bon on y va ? Steven est reparti devant nous lors du ravito mais Pascal nous a rejoints. Il s’était perdu en remontant vers le balisage. Nous sommes désormais au complet pour la fin de notre course.

Petite bosse avant le Causse Noir.

Direction Trèves km55

Nous devons d’abord passer par le Serre du Cade. Ça devient un peu dur. Nico et moi marquons un peu le pas lors des relances sur le plat. Jérémie est quant à lui devenu inarrêtable. Pascal commence à passer un peu de temps avec nous. Nous restons souvent à 20-50m des trois autres. Quelques efforts nous ramènent. Nous faisons l’élastique. L’ascension de la Serre du Cade se déroule plutôt bien. Le rythme est plus calme et nous le passons sans encombre. Mais la descente est ponctuée d’une belle ascension. Et là ça tire sur tout le monde. Nous rejoignons des randonneurs. Ils vont presque plus vite que nous. La nouvelle descente se déroule à l’aide d’une corde. C’est bien raide mais ça passe sans la corde pour moi. Pas pour Nicolas. Cela fait un petit moment qu’il est à la peine et des coureurs sont revenus sur nous. Il faut dire que depuis le redémarrage de Dourbies nous étions seuls. Un réel pied ! Mais là ça klaxonne derrière ! Je ferme la marche avec aisance dans cette descente, sans la corde alors que tout le monde la prend. Mais cette aisance technique est illusoire. La fatigue se fait sentir. Depuis quelques km après Dourbies j’ai envie de dormir. Je suis très fatigué. La fin de la descente est longue. Il reste un peu de km à parcourir avant Trèves. Ils sont longs. J’en ai assez. Je veux juste me poser et dormir. Enfin des signes de présence humaine. Je chemine avec des gars qui me semblent vraiment abîmés. Pas mon groupe, ceux qui sont autour. Je me sens carrément mieux qu’eux. Il ne m’est pas venu à l’idée que je pouvais être comme eux. Trèves se profile. Joli petit village dans les Causses.

 

Trèves

 

Nous retrouvons la femme de Nico et Thomas. Leurs encouragements font du bien. Je vois que la présence de sa femme et de son fils remotive Nicolas d’une façon incroyable. Je vais encore le constater après le ravito. Nous y rentrons justement. Une petite soupe. Ce n’est pas une légende. La soupe chaude des ravitaillements fait vraiment du bien sur ces courses. Je m’allonge deux minutes sur un banc.

 

Je suis en plein courant d’air mais ça fait du bien. Les yeux clos. Repos. Je me relève. Il faut remplir la poche. Un tout petit Coca (une gorgée et demi), juste pour purger un peu l’estomac. Direction le bar de la salle. Je grimpe dessus. Cela soulage un peu les jambes. Il ne faut pas traîner. Nous repartons. Le démarrage est rude. Mais Nico vole littéralement dans les petites rues. Retour sur la route. Nous engageons une nouvelle ascension. Ça repart dur. Nous longeons un passage en balcon. C’est sympa. Nous rattrapons un traileur pur jus. Il court avec une gourde de soupe dans la main. elle doit bien faire 2L. Je m’arrête pour mettre ma montre gps à charger sur une batterie nomade dans le sac. Je me sens plutôt bien. Je mets une grosse mine pour reprendre le groupe. Pascal, Steven et Manu mènent la danse. Nico est à la peine. Dans la légère descente nous entendons des cris. « Pierre ? Pierre ?  » Je hurle un Quoi ? un poil violent. Ce sont à nouveau Thomas et Léandra qui nous accueillent à Saint Sulpice. Ce village porte bien son nom. Je pensais être dans la bosse suivante, dure et très difficile. Et ben non. Le plus dur est à venir. De toute façon Mathias Jaulin nous l’avait dit. La course commence au 30ème km. C’est déjà revenu comme un gimmick plusieurs fois. On recommence. « Allez les gars la course commence ». D’ailleurs ne dit-on pas que :  » ce qui est pris n’est plus à prendre »?

 

Là je suis dans le dur. Enfin je crois.

 

Le Causse Noir ! Ascension en deux temps, très difficile (pour moi). Y suis au fond du pouaï, comme on dit. Nico n’est pas mieux. La fatigue est très présente. Je ne cours plus (en même temps ça monte). Pascal vient régulièrement fermer la marche. Ça me fait du bien au moral. Comme depuis le début de la course nous croisons des bénévoles, régulièrement parqués en voiture dans des endroits insolites, inhospitaliers par ce froid glaçant. Depuis Trèves, même avant, plus aucun soleil ne nous réchauffe. Le ciel est couvert, menaçant et le vent de plus en plus froid et vif. Nous avons toujours un petit geste pour ces bénévoles qui attendent dans la solitude et le froid, dans leur 4*4, le passage des derniers coureurs.

C’est nuageux, venteux, froid. Par temps ensoleillé c’est beau. 

 

Cela fait un moment maintenant que je suis résigné. Il ne doit plus en rester des masses derrière. Quand nous apercevons ce pick up lors de l’ascension nous sommes persuadés d’arriver proche du terme de ce Causse. Je suis persuadé qu’il y a un ravito en eau. Nada ! Sur ce plateau pas de relance. Nicolas et moi traînons la patte. Les autres n’attendent qu’un signe de notre part. Nous nous efforçons de courir, à une allure qui doit avoisiner les 8km/h. Nous croisons un bénévole esseulé dans la lande. Nous lui enjoignons de se mettre à l’abri. Quelques centaines de mètres plus loin, à l’abri d’un bosquet, Ô surprise, deux packs d’eau. Quelques bouteilles entamées… Le voilà le ravitaillement liquide. Nous refaisons le plein et buvons un peu à ma demande. Je soulage un rapide besoin. Notre bénévole se repointe : « Ah vous avez trouvé l’eau. Allez bon courage! » Nouvelle descente. Contrairement au GRP je n’ai pas mal dans les cuisses ou les mollets. C’est une fatigue qui ne me lâche plus maintenant qui est la plus lourde à porter. Nico a les jambes en vrac. Les autres ne se plaignent pas. C’est à leur tour de nous voir dans le mal. Je m’avoue en écrivant ces lignes que ce mal a été plus long que dans mes souvenirs immédiats d’après course. J’estimais cela à environ 10km sur l’ensemble. En réalité on s’approche plus sincèrement des 15. Lors de la descente du Causse noir un doute envahi Jérémie. La barrière horaire de Cantobre devrait passer d’une petite demi heure. Mais pour l’arrivée, avant 20h ça va être chaud. Bon sang ! Nous sommes remotivés à bloc d’un coup. Cette descente se fait de nouveau sur un mode course et non pas zombie. J’encourage Nico, rejoins Pascal puis Jérémie. Nous descendons à une allure inespérée. Avant la fin nous tombons sur Thomas. Il est venu en éclaireur. Je le comprends. A sa place aussi je trépignerais d’impatience pour courir et accompagner les copains. Il nous motive, nous encourage. Au bas de la descente nous remettons les frontales. J’avale littéralement la petite ascension vers le ravitaillement de Cantobre. Thomas me dit qu’il a du mal à suivre. Je le soupçonne d’exagérer. Dans l’ascension je reçois un coup de fil de Guillaume. Ils nous attendent avec impatience à l’arrivée.

Cantobre la veille. 

 

Enfin le dernier ravitaillement avant l’arrivée. Nous avons environ 35′ d’avance sur les barrières horaires. Mais la dernière nous fait peur. Il ne faut pas traîner. Je me permets de demander aux pointeurs du bip si’il reste une barrière. « Non monsieur. C’est la dernière. Vous êtes finisher. » (enfin si vous arrivez à joindre l’arrivée)

Cantobre vers l’arrivée km 68 à 75

Ravitaillement express. Enfin c’est mon impression. Nous repartons rapidement, non sans avoir céder aux multiples avances geliques de Thomas. Je crois que nous avons tous avalé un gel coup de fouet. Il m’a également donné un flacon de shot de caféine « Si l’un d’entre vous n’en peut plus, tu lui fais prendre ça dans un gobelet dilué et après il ne sentira plus ses jambes. » Dans la petite descente de Cantobre nous avons une pensée pour Sandrine et Cindy qui descendaient hier comme des fusées. Dans le noir c’est bien moins évident. On se traîne. Et Jérémie ne veut pas prendre de risques. Il a raison. Nous entamons l’ascension du Roc Nantais. Nous reprenons un, puis deux, puis trois coureurs. Jérémie emmène. Je suis dans ses chaussures. C’est comme sur ses talons mais encore plus près. Je boue d’impatience, je vole. Ça sent l’écurie et je veux y être. Le parcours doit être très beau de jour. Mais là… Le sentier passe, façon balcon, dans un rocher creusé. Je reçois un coup de fil d’Angéline. Je ne l’ai pas abreuvé de nouvelles aujourd’hui. Sa voix procure un grand bonheur. « On est dans l’ascension du Roc Nantais. On va essayer de passer sous les 15h. Je raccroche parce que ça monte là. » J’avoue ne pas vous retranscrire l’ensemble de la communication mais c’est ce qu’il y a à retenir.

Le Roc Nantais de jour. On descend du haut à gauche vers le bas à droite. 

 

Nous arrivons sur le plateau. Comme un classique, un bénévole nous annonce la descente dans 800m. J’ai remis ma montre à Cantobre. 2km plus loin nous entamons la descente. Entre temps Nicolas a soulagé un besoin naturel. Nous sommes à nouveau tous les 5 mais ses jambes ne répondent plus. Chaque pas devient une souffrance. Souffrance que je connais très bien pour l’avoir vécue au GRP. Nous tentons le shot de caféine. La descente est longue. Longue. Je vois les minutes qui s’égrènent, à l’inverse des km qui n’avancent pas. Il y a pas mal de caillasses et ce n’est pas évident. J’encourage Nicolas à relancer dès que c’est moins raide mais il ne peut plus mettre un pied devant l’autre. En contrebas nous apercevons les lumières de Nant. Cela me semble loin. Nous sommes tous repartis dans l’idée de finir sous les 15h. Les cloches de l’église annoncent 20h. Plus que quelques minutes. Même si j’encourage Nicolas je n’y crois plus. Il nous incite à partir et finir ce challenge sous ce temps que nous nous sommes imposés. Mais quel intérêt ? Nous avons couru ensemble nous finirons ensemble. Les hectomètres me semblent interminables. Pas un morceau de faux plat où relancer. J’entends à nouveau Thomas. Il est encore là. Il est incroyable. Ça y est. On peut relancer pour les derniers mètres. Un petit dénivelé pour passer sur le pont. Je lance une dernière fois : « ATTAQUE DE GUILBAUD ! » Je suis vraiment content de terminer. Et je me sens en pleine forme. Dernière descente dans les rues de Nant. Thomas court nous précéder. Ça gueule en haut. Les rapvistes sont tous là à hurler nos noms. Je ne tiens plus en place. J’accélère dans la petite bosse, je saute de joie. Je frappe dans chaque main tendue. Je passe devant chacun. Il ne reste plus que 300m, 300m de plat. Ensemble nous franchissons ce qui nous sépare de l’arrivée. Les derniers mètres… Ensemble… Enfin…

 

Pas de speaker, pas de caméras, quelques bénévoles solidaires, mais le RAPV presque complet qui nous félicite, hurle des bravo, des vous l’avez fait. On a l’impression d’être des héros. Alors que la plupart d’entre eux en ont terminé plusieurs heures avant nous. Allez quelques fentes, quelques photos sur le podium… On est des champions ou pas ? Merci Steven. Merci Manu. Merci Pascal. Merci Jérémie. Merci Nicolas. Sans vous je ne serais peut-être pas arrivé au bout. Et sans moi ? Et bien on va dire pareil hein !

 

 

 

 

 

Ça c’est quand on a fini. Repas inverse du petit dèj avec le Seb, gras et déséquilibré.

 

 

 

PS : Félicitations à ceux qui ont lu jusqu’au bout. Même moi j’ai eu du mal à écrire la fin tellement j’en ai marre. Une fatigue m’envahie. Je vais aller me coucher tiens.

 

Pierre G.

Commentaires

  • Chantreau romain

    Très beau récit Pierre. Encore un grand BRAVO à vous tous.

    10/11/2017
  • Renaud Jc

    L’éternité c’est Long,
    Surtout sur la fin..

    18/12/2017

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